La destinée de l'homme, sa grandeur et sa misère, s'expriment avec une éclatante lumière chez tous les poètes de génie. Tous les graves problèmes, tous les rayons sublimes y prennent un accent plus profond et plus émouvant. Rien de ce qui est humain et surtout divin ne leur est étranger. S'ils peignent la vérité la plus triste et la moins belle, nous les les sentons péniblement troublés. Cette douce mélancolie de Virgile devant les horreurs et la souffrance, une sympathie universelle qui se révolte devant la douleur et le mal, risque bien d'humaniser les natures les plus farouches À peu près seuls les poètes arrivent à émouvoir en nous la fibre de la pitié, cette fleur du sentiment. Ils décernent la palme aux vainqueurs, aux volontés héroïques. Ils découvrent chez nous que nul objet n'est plus élevé au monde que la grandeur du libre arbitre humain. Tout ce qui dépasse dans la vie du cœur, dans l'action ou la pensée, le niveau ordinaire et moyen, relève directement de la poésie. Elle seule est capable d'exprimer la beauté idéale sans la déformer avec tout l'enthousiasme qu'elle mérite et les plus sceptiques doivent lui reconnaître ce privilège.