La Mangeuse de Fées.
Faèle ouvre lentement les yeux.
Elle met un temps infini à comprendre ce qui arrive. Les souvenirs reviennent au compte goutte, ramenés par la douleur qu'elle ressent dans la poitrine.
Elle se rappelle.
L'arbre du centième royaume, l'araignée...Pourquoi s'eveille-t-elle? Elle ne l'a donc pas mangé? La garde-t-elle pour plus tard? Elle veut bouger mais c'est à peine si elle y parvient. Elle est emprisonnée dans une sorte de cocon suspendu, en un endroit sombre auquel ses yeux commencent un peu à s'habituer...
C'est un lieu étrange, une maison sans doute, mais immense. Tout semble démesuré pour elle. Elle se trouve dans une sorte de grande cage de bois perchée sur un meuble, face à ce qui ressemble à une porte immense. Quel est donc le géant qui vit ici? Où est l'arbre? Où est la forêt? Où sont ses amis...?
L'arbre....Non pas un arbre....Un arbre a-t-il des yeux pour vous regarder? Des mains pour vous saisir? Elle n'a pas rêvé, maintenant elle en est certaine...Quand l'araignée lui a percée le coeur de son dard, elle a vu un visage se pencher sur elle...Elle ne connait pas cette magie funeste...Les arbres sont vivants certes, mais d'une manière différente des fées et des animaux...
A présent que ses yeux se sont habitués à la pénombre des lieux, elle distingue nettement ses affaires posées négligeamment juste au dehors de la cage...Son sac à ventre, son baton...Et la Boussole d'Yspréau, la boussole du sourcier, qui l'a conduit droit dans un piege...Pourquoi? Et surtout comment? Comment cette magie a pu tromper le compas? A moins qu'il n'y est un lien quelconque avec Alenwen, c'est impossible!
Un bruit soudain la fait sursauter. Il ya quelque chose au dessus d'elle! Effrayée, elle n'ose lever le regard...
-Comment te nommes-tu?
C'est une voix, à peine un souffle...
Elle se démène pour lever le regard et son coeur, douloureux encore, fait un bond immense dans sa poitrine....Il y a là des dizaines de cocons semblables au sien et tout en haut, au dessus d'eux, une toile de soie au centre de laquelle l'araignée la regarde sans bouger....
-N'est pas peur, souffle encore la voix...Elle dort les yeux ouverts...
Faèle cherche à distinguer celui qui lui parle. C'est une fée comme elle. Chaque cocon est une prison renfermant un Yr!
-Je m'appelle Aléad...Je suis une fée des Voies du royaume de Tres-Wallen et toi qui donc es-tu?
- Mon nom est Faèle et je viens d'Alenwen...
-le Sourcier lui même!! C'est un honneur Faèle de rencontrer la Fée des Voies du roi lui même...Par toutes les branches de la forêt, le prince que tu conduisais...Où est-il? La Mangeuse de fées n'a ramené que toi!
-Elenlassyl a souhaité que je parte seule reconnaitre la route avant. La Mangeuse de Fées? C'est ainsi que se nomme l'araignée?
-Tu n'y es pas....L'araignée n'est que l'un de ses nombreux serviteurs...Non La Mangeuse est un ....
Faèle grimace et ferme les yeux sous la douleur qui l'agresse soudain. Une lumière a brutalement envahi la pièce, suivit d'un bruit terrifiant....
-Garde les yeux fermés Faèle, lui murmure Aléad. Cela vaut mieux pour l'instant...Elle ne se souciera pas de toi tant qu'elle te croira encore endormie par le venin de l'araignée.
Faèle tremble de peur devant les bruits monstrueux qui emplissent les lieux et vrillent les tympans de ses petites oreilles. Elle sent qu'un géant effrayant se déplace autour de la cage. Et pourtant la curiosité est trop forte.
Elle ne peut s'empêcher de regarder...
-Oh non....soupire Aléad
Deux immenses yeux noirs la contemplent.
Le même visage que dans la forêt, sauf qu'il n'appartient plus à un arbre mais à l'un de ses Umas dont il est question dans les contes terrifiants des Yr...Ces contes dont on use pour faire tenir les enfants tranquilles.
Faèle croit mourir de peur!
-Je savais bien que tu étais réveillée...Petite maline...
Sa voix est un grondement, un courant d'air qui fait danser les cheveux de la petite fée. Pourtant ce qu'il dit lui est compréhensible.Le monstre parle son langage.
-Je suis heureuse de t'ajouter à ma collection...j'ai passé de longues heures dans la forêt avant de pouvoir te capturer...Cela faisait si longtemps que je n'avais plus attraper un de tes semblables et mon pouvoir diminue à mesure que le temps passe sans une nouvelle source....
Faèle ne comprend rien à ce que raconte l'Uma femelle, sinon que son discours ne présage rien de bon...
- Tu es encore faible...Le venin d'Alcora se dissous lentement dans ton sang, c'est pourquoi je n'userai pas de toi aujourd'hui...
Soudain une main surgit dans la cage, immense, effilée telle une serre de rapace et se saisit d'Aléad qui gémit de terreur.
Faèle impuissante, voit son nouvel ami sans doute entrainé vers un triste sort....
Elle se met à pleurer toutes les larmes de son corps.
La nuit est tombée sur le village des Umas.
D'un pas prudent et silencieux, le loup se faufile derrière les buissons qui bordent la route et se dirigent le coeur tambourinant vers les premières maisons à l'abri de l'autre coté d'une palissade de pierre et de bois. La silhouette de plusieurs umas, apparait parfois à peine plus sombre que le ciel lui même. Mais Lhyrr est bien trop agile pour se faire voir et c'est sans encombre qu'il se réfugie contre le mur.
Petite Dent sort sa tête de la fourrure de son ami.
-Et maintenant? Comment allons-nous franchir cette colline de bois?
Il a sussuré ses mots à l'oreille du Loup qui retient une forte envie de se gratter, pour chasser l'animal qui le chatouille...
-J'ai vu plus loin un trou juste assez large pour nous laisser passer, murmure-t-il. Maintenant silence...Il en va de notre vie...
En quelques foulées Lhyrr a rejoint la petite brèche à la base de la construction et se met à ramper entre les pieux, se démenant le plus silencieusement possible pour passer.
Ses efforts sont payants. Il finit par se remettre sur ses pattes de l'autre coté, en plein coeur du monde des Umas! L'odeur pestilentielle des géants met ses nerfs à rude epreuve. Il faut absolument qu'il retrouve la douce senteur boisée de Faéle avant le retour de l'aube...
D'un pas décidé, la truffe au sol, il se met en quête, tandis que Petite Dent, terrorisé, mais lucide, joue les guetteurs sur le dos de son ami....La nuit va être longue....tres longue..
Le village est très grand, l'odeur insupportable et quand le soleil se montre à nouveau, Lhyrr et Petite Dent le regardent depuis leur cachette sous le plancher de bois de l'une des maisons. Ils sont épuisés, affamés, effrayés par tous ces Umas qui surgissent de partout...
Et chaque heure qui passe les met en danger d'être découvert.
Mais le loup songe surtout à Faéle. Et son coeur se serre d'inquiétude...
Il regrette tellement de n'avoir rien dit dans la forêt. Si seulement Lynpi était là...Elle saurait quoi faire elle. Peut être même aurait-elle déja retrouver la petite fée...
Déprimé Lhyrr pose le museau sur ses pattes et cherche un sommeil réparateur qui ne veut pas venir....
