POEME POUR GIAN LE TRAVESTI.
Bande le Sagittaire, au-dessus des toits noirs,
Criblés de houx, son arc vibrant et qui décoche
Les frimas et les vents. Et se couvrent les roches
De sirènes poudrées d'ambre et de désespoir.
Mon joli travelo se mire dans ton œil
L'absinthe de l'hiver, et sous la pluie de lune
Tes bottes ont le luisant funèbre des cercueils,
ou ,léchée de soleil, d'un oiseau mort la plume.
Sous ton front pur de Dieu, d'enfant, de jeune lord
Ton visage s'endort de cruelle madone:
Ton front, ce lys veiné d'azur qu'un faon mâchonne
Où les rayons du jour et les songes se tordent,
Ton front au soir mourant où un ange dépose
Ses doigts-:et c'est alors que sur ce marbre blanc
Bombé comme ton œil un vieux chagrin explose
En un rire plus haut que le vol du Milan !
Tu étais dans la nuit nu sous les œillets roses,
Garde fouetté des vents, mignons aux belles joues,
Il gonflait doucement dans ta belle main close
Le canon du fusil mettant le ciel en joue...
Ton calot mon mignon, mon frêle caporal,
Soudain l'ombre lui fait une voilette douce,
Que fait bouger le vent sur ta claire frimousse:
Tu fus ce beau soldat qu'e*ncule un général !
La nuit, aux rejetés, à de ces gentillesses.
Plus que le clair soleil, elle nous aime et nous veut.
Elle a pour nos chagrins des velours et nous dresse,
Aux coins des bois moussus des lits aventureux,
Le printemps qui crépite aux poitrails des oiseaux,
Et moins doux que l'hiver et que ses chants de messes:
A ta créole d'or où dort un Edelweiss,
En moires sur ton œil plus perçant que l'acier,
-croupes des blanches nues sur le flanc des glaciers-
Et pleurante à tes reins, saignante sur ta peau
L'étoile des tombeaux t'offre son allégresse !
Mon amour, sainte amour, que coiffent les réseaux
Des errantes novas! Ta robe de Circé
De moites féeries s'enfle comme une voile !
Oeufs de cailles, brugnons, gémeaux gonflés de moelle
Tes couilles ô mon âme ! ô mes rêves bercés,
Comme l'est un poupon par les vents de novembre!
Quand je sais que se tend la gloire de ton membre
comme un arc dans l'azur vers mes lèvres glacées!
Et tes roulantes noix qui captivent les mondes !
Vague de brunes soies, goudron, vol de l'aronde!
Houppes roses des ciels et des ports levantins
Tremblement des brebis sur la sente, au matin
Dans la classe endormie luisante mappemonde !
Revêtus de blondeur des culs de mignons s'ouvrent.
Bouches des jeunes morts que violent des marlous.
Les ombres des tapins glissent comme des loups
Sur les murs ,et je sais qu'au pied d'un chêne rouvre
Noyé de métal bleu c'est ce nègre blafard
(comme sur un pavois ou le souffle d'un ange)
Qui fait monter au ciel ce gosse à coups de dard.
Et la brutale queue, ô Gian, qui te délange
Pour offrir à ses coups la candeur de ton cul
D'une douceur sacrée d'enfant, d'épaule nue
Que révèle en glissant la soie rose d'un châle...
Bientôt mourra la nuit sous l'aube dans un râle!
Marche au pas sous ce ciel d'ébène et de tek
Les sables blancs d'Ilion boiront les troupes folles
Et les Dahlias de sang et l'eau de nos rigoles:
ce voyou égorgé vaut bien un lancier grec !
Marche au pas, mon joli va loin vers l'horizon
Longe les quais, les morts, et les lents crocodiles,
Traverse d'un pas lent les mers: il est une île
Ou t'attend un hamac orné de liserons !
Emmanuel.
Pour vous.