Dernier moment des deux amants
C'était pourtant une belle soirée chaude d'été idéale...
Toi et moi sommes seuls dans la barque sur l'eau calme du lac pendant que je pagaye tout doucement pour nous éloigner de la vue des autres.
Toi, tu laisses couler tes mains dans l'eau tiédie par le soleil, ta tête fixant tes doigts qui caressent l'eau un à un comme sur les notes d’un piano.
Alors, tu me regardes sans rien dire, les yeux dans l'eau de ta peine, étendue de tout ton long dans ta robe de campagne de coton blanc.
Tu te redresses langoureusement à la vitesse du soleil couchant, près de moi, tes bras pendants sur mes épaules, ta bouche touchant la mienne tendrement, sans heurt.
C'est l'étreinte de deux amants jouant à cache-cache avec la vie comme pour la défier sous le regard d'un couple d'oies sauvages faisant comme nous, jouant à l'amour.
La musique des cigales accompagne chaque attouchement pudiquement mature de nos envis. Cela aurait pu être un prélude à la nuit qui se préparait dans cette chaleur torride.
Mais la vie est parfois ainsi faite avec ses finales sans issue acceptable possible. Chacun de notre coté, nous étions attachés, toi par ton alliance à ton ami de vie et moi par la solitude imposée, las de t'attendre.
Dans un commun accord, j'ai pris à ma ceinture un filtre d'amour dans une fiole miroitant à la lune. Nous avons bu chacun notre tour de cet élixir maudit pour vivre la pente descendante du grand passage.
Endormi l'un sur l'autre, comme nous avions parfaitement imaginé ce dernier moment, nous avons quitté la vie, nos deux corps comme d'un seul, les larmes encore chaudes du dernier baiser tant redouté.
Nous avons préféré nous rejoindre dans l'au-delà plutôt qu'avoir à vivre séparé ici bas comme le sont le jour et la nuit...
Fin