Apologie de la fainéantise.
J’ai dix doigts, deux fois cinq, comme photocopiés.
J’en ai suffisamment pour me servir un verre,
Pour lire une B-D en grattant mon derrière.
Avec eux je fais le mini môme … Le pied !
J'ai dix doigts mais un seul sait farfouiller mon nez,
Ce doigt qui collabore et qui parfois se lève
Pour dire au professeur qu’il est le bon élève.
Quoi ? J’aurais neuf doigts sots faits pour m’enquiquiner ?
Que faire de dix doigts sans envie de Chopin ?
Dix doigts ! Quand le travail jamais ne me démange,
Dix doigts ! Trop de calcul pour compter en phalanges !
N’est pas mon ennemi qui veut qu’on m’en coupe un !
J’ai dix doigts sans génie, qui ont admis très tôt,
Que mes jours de travail seraient temps de carême.
J‘étais alors enfant, et je comptais onzième,
Un doigt qui s’avéra être un petit oiseau.
Quand je vois l’ouvrier, bien enfoncer le clou
J’admire sa maitrise et ses mains si habiles
(Pas jusqu’à l’applaudir, j’ai les paumes fragiles !)
Mais sa dextérité ne me rend point jaloux.
Chacun peut bien bouger ses dix doigts comme il veut,
Si ça vous fait plaisir, empoignez pelle et pioche.
Les miens sont très discrets, et s’aiment l’ongle en poche,
Car ne rien faire est bien ce que je fais de mieux.
Pourtant sachez que j’ai le petit doigt bavard.
Dans la rue, sur les clous, bien souvent je les croise,
Ces doigts que j’aime et qui préservent de la poisse
Tant j’ai peur de froisser la tôle et le chauffard.
Le moindre de mes doigts fait mon plaisir aussi,
Le long de la journée ils vaquent à leurs taches,
Allument mon cigare ou lissent ma moustache,
Portent les premiers soins à un ongle noirci…
Si beaucoup ont des mains faites pour travailler,
De la scie à onglet je crains trop la morsure,
Mais je trouve ma main fabriquée sur mesure
Quand il me prend l’envie féroce de bailler.
Fil2fer le 18/08/2011