Il était mendiant de son état, comme l’on n’est épicier, maçon, ou maréchal-ferrant.
A cette époque là, la mendicité n’était pas interdite, les riches n’avaient pas honte des pauvres, les pauvres ne rougissaient pas de leur indigence, ils n’enviaient pas leur richesse. La misère n’était pas rare, on pouvait être plus ou moins pauvres, on vivait ainsi sans en faire un scandale !.
La misère n’étonnait personne, elle ne blessait personne, bien sûr je vous parle d’une époque lointaine.
En ce temps là, les vagabonds sillonnaient les campagnes. Les effluves du printemps comme par enchantement les sortaient de leur hibernation dans le coin d’une grange où ils se tenaient cois l’hiver, dans la paille ou dans le foin. La besace sur l’épaule, la barbe abondante, la bouche édentée, incultes, habillés de guenilles, ils partaient à la recherche de travail pour un croûton de pain, un verre de vin. "Où il y a du pain et du vin le Roi peut venir" disait un proverbe, et dans le temps on se contentait de peu.
Cyprien de mon enfance était si pauvre que je pensais qu’il n’avait jamais eu une mère et un père.
La mère de Cyprien est née sur un rocher troglodyte qui surplombe la vallée du Lot. Jamais je n’aurais imaginé enfant qu’il ai eu un père et une mère. Il s’appelait Cyprien et cela suffisait amplement à mes yeux pourquoi se serait-il embarrassait d’un patronyme ?. Je ne vous cache pas ma déception quand j’ai appris qu’il avait un père et une mère comme moi.
Sa mère l’avait initié à son métier de
mendiant, et tout petit il la suivait et l’imitait paraît il !.
Il représentait un tout, semblable à ces personnages bibliques qui se suffisent à eux même, il pouvait très bien n’avoir aucune généalogie, son existence n’aurait du souffrir d’aucunes explications, c’était Cyprien, mon Cyprien, notre Cyprien le mendiant mythique du pays d’Olt.
Cyprien avait une tenue vestimentaire bien à lui, il avait pour habitude d’empiler sur sa carcasse les vêtements qu’on lui donnait, il avait l’allure d’un Vendredi tous les jours de la semaine !. Il superposait même les couvres chefs sur sa tête qui finalement ne paraissait pas dégarnie pour son âge !. D’ailleurs quel âge avait-il ? personne au pays aurait pu répondre précisément à cette question !. Lui-même le savait-il ?.
Sa manière de se vêtir à l’aveugle avait l’aventage de
libérer ses mains ce qui est essentiel pour un individu atteint de cécité et qui cherche sa route à tâtons !.
Cyprien était un redoutable chercheur d’escargots du petit gris au bourgogne très peu avaient la chance de lui échapper même s’ils le voyaient arriver avec leurs grandes antennes, l’inverse n’était pas vrai !. Il venait les proposer régulièrement à ma grand mère qui les mettait à dégorger dans une nasse au bord du Lot. Elle lui donnait quelques sous, puis l’invitait à venir les déguster quelques jours plus tard, ces bestioles préparés à l’oseille étaient succulentes, c’était à notre tour de baver avant d’être copieusement servi !.
A une personne du pays un jour d’automne Cyprien lança " Vau castanar" ...je vais ramasser les châtaignes, elle moqueuse et comment pourras-tu les trouver tu oublies que tu es aveugle ?. Il lui répondît du tac au tac en expert en la matière : " C’est avec les pieds que je les sens !".
L’itinéraire de Cyprien était tracé d’avance, il passait par Capdenac, où une fois il avait donné un très mauvais exemple, car habité ce jour là, paroles des gens du pays par l’esprit satanique !. Jugez-en plutôt !.
Une fois qu’il était ivre mort, parce que des personnes mals intentionnés, lui avaient apporté du vin en abondance, et que tout le monde était inquiet pensant qu’il avait rendu l’âme, tant son attitude était immobile et figée, soudain, le voilà qui commence à remuer faiblement. Chacun pousse un ouf de soulagement et remercie le seigneur !. Soudain Cyprien s’agite, son visage s’illumine, avec ce sourire si caractéristique aux aveugles : "Gara ! soupire t’il en extase. me caldrià una drolleta !". Maintenant il me faudrait une fillette!. Tous les témoins s’enfuirent scandalisés, mais rassurés sur le sort du pauvre hère.
Il se rendait tous les ans à la foire de la commune, il faisait l’honneur de sa visite au villageois, c’était à sa manière un prince en déplacement.
Personne n’aurait pensé qu’elle puisse avoir lieu sans lui !.
L’annonce de son arrivée se rependait comme l’écho d’un son de clôche !.
Les enfants à la sortie de l’école se précipitaient pour aller à sa rencontre.
Est-ce un signe, le jour où Cyprien a cessé de venir, la foire à décliné, puis a fini par mourir.
"Post hoc, propter hoc ? "
Relation de cause à effet ou pure coïncidence, mieux vaut ne pas essayer de trancher.
C’était un homme important finalement, il siégeait près de la barrière à l’entrée du village. Assis sur les marches d’un calvaire de pierres qui lui servait de trône au carrefour de quatre chemins là notre Cyprien tenait conseil au milieu de sa cour d’enfants auxquels venaient se mêler quelques paysans goguenards descendant du Batut où se trouvait le foirail.
Cyprien eut une fin tragique, aussi douloureuse que celle de la Mariton son amour, la dernière fois que j’ai entendu parler de lui c’était par la voix de mon père qui a répondu à ma question : On ne voit plus Cyprien depuis longtemps, où est-il ?.
Tu sais Maurice il était âgé, il vivait dans une très vieille grange où un seul coin de toiture l’abritait, cet hiver il a voulu replacer quelques tuiles pour qu’il ne lui pleuve pas dessus et il a fait une chute mortelle.
On a rien retrouvé de lui à par quelques os, les rats l’avaient entièrement devoré !.
Ainsi finit la vie de Cyprien, le mendiant qui marqua de son empreinte de pauvre et de riche à la fois ma jeunesse.
A cette époque là, la mendicité n’était pas interdite, les riches n’avaient pas honte des pauvres, les pauvres ne rougissaient pas de leur indigence, ils n’enviaient pas leur richesse. La misère n’était pas rare, on pouvait être plus ou moins pauvres, on vivait ainsi sans en faire un scandale !.
La misère n’étonnait personne, elle ne blessait personne, bien sûr je vous parle d’une époque lointaine.
En ce temps là, les vagabonds sillonnaient les campagnes. Les effluves du printemps comme par enchantement les sortaient de leur hibernation dans le coin d’une grange où ils se tenaient cois l’hiver, dans la paille ou dans le foin. La besace sur l’épaule, la barbe abondante, la bouche édentée, incultes, habillés de guenilles, ils partaient à la recherche de travail pour un croûton de pain, un verre de vin. "Où il y a du pain et du vin le Roi peut venir" disait un proverbe, et dans le temps on se contentait de peu.
Cyprien de mon enfance était si pauvre que je pensais qu’il n’avait jamais eu une mère et un père.
La mère de Cyprien est née sur un rocher troglodyte qui surplombe la vallée du Lot. Jamais je n’aurais imaginé enfant qu’il ai eu un père et une mère. Il s’appelait Cyprien et cela suffisait amplement à mes yeux pourquoi se serait-il embarrassait d’un patronyme ?. Je ne vous cache pas ma déception quand j’ai appris qu’il avait un père et une mère comme moi.
Sa mère l’avait initié à son métier de
mendiant, et tout petit il la suivait et l’imitait paraît il !.
Il représentait un tout, semblable à ces personnages bibliques qui se suffisent à eux même, il pouvait très bien n’avoir aucune généalogie, son existence n’aurait du souffrir d’aucunes explications, c’était Cyprien, mon Cyprien, notre Cyprien le mendiant mythique du pays d’Olt.
Cyprien avait une tenue vestimentaire bien à lui, il avait pour habitude d’empiler sur sa carcasse les vêtements qu’on lui donnait, il avait l’allure d’un Vendredi tous les jours de la semaine !. Il superposait même les couvres chefs sur sa tête qui finalement ne paraissait pas dégarnie pour son âge !. D’ailleurs quel âge avait-il ? personne au pays aurait pu répondre précisément à cette question !. Lui-même le savait-il ?.
Sa manière de se vêtir à l’aveugle avait l’aventage de
libérer ses mains ce qui est essentiel pour un individu atteint de cécité et qui cherche sa route à tâtons !.
Cyprien était un redoutable chercheur d’escargots du petit gris au bourgogne très peu avaient la chance de lui échapper même s’ils le voyaient arriver avec leurs grandes antennes, l’inverse n’était pas vrai !. Il venait les proposer régulièrement à ma grand mère qui les mettait à dégorger dans une nasse au bord du Lot. Elle lui donnait quelques sous, puis l’invitait à venir les déguster quelques jours plus tard, ces bestioles préparés à l’oseille étaient succulentes, c’était à notre tour de baver avant d’être copieusement servi !.
A une personne du pays un jour d’automne Cyprien lança " Vau castanar" ...je vais ramasser les châtaignes, elle moqueuse et comment pourras-tu les trouver tu oublies que tu es aveugle ?. Il lui répondît du tac au tac en expert en la matière : " C’est avec les pieds que je les sens !".
L’itinéraire de Cyprien était tracé d’avance, il passait par Capdenac, où une fois il avait donné un très mauvais exemple, car habité ce jour là, paroles des gens du pays par l’esprit satanique !. Jugez-en plutôt !.
Une fois qu’il était ivre mort, parce que des personnes mals intentionnés, lui avaient apporté du vin en abondance, et que tout le monde était inquiet pensant qu’il avait rendu l’âme, tant son attitude était immobile et figée, soudain, le voilà qui commence à remuer faiblement. Chacun pousse un ouf de soulagement et remercie le seigneur !. Soudain Cyprien s’agite, son visage s’illumine, avec ce sourire si caractéristique aux aveugles : "Gara ! soupire t’il en extase. me caldrià una drolleta !". Maintenant il me faudrait une fillette!. Tous les témoins s’enfuirent scandalisés, mais rassurés sur le sort du pauvre hère.
Il se rendait tous les ans à la foire de la commune, il faisait l’honneur de sa visite au villageois, c’était à sa manière un prince en déplacement.
Personne n’aurait pensé qu’elle puisse avoir lieu sans lui !.
L’annonce de son arrivée se rependait comme l’écho d’un son de clôche !.
Les enfants à la sortie de l’école se précipitaient pour aller à sa rencontre.
Est-ce un signe, le jour où Cyprien a cessé de venir, la foire à décliné, puis a fini par mourir.
"Post hoc, propter hoc ? "
Relation de cause à effet ou pure coïncidence, mieux vaut ne pas essayer de trancher.
C’était un homme important finalement, il siégeait près de la barrière à l’entrée du village. Assis sur les marches d’un calvaire de pierres qui lui servait de trône au carrefour de quatre chemins là notre Cyprien tenait conseil au milieu de sa cour d’enfants auxquels venaient se mêler quelques paysans goguenards descendant du Batut où se trouvait le foirail.
Cyprien eut une fin tragique, aussi douloureuse que celle de la Mariton son amour, la dernière fois que j’ai entendu parler de lui c’était par la voix de mon père qui a répondu à ma question : On ne voit plus Cyprien depuis longtemps, où est-il ?.
Tu sais Maurice il était âgé, il vivait dans une très vieille grange où un seul coin de toiture l’abritait, cet hiver il a voulu replacer quelques tuiles pour qu’il ne lui pleuve pas dessus et il a fait une chute mortelle.
On a rien retrouvé de lui à par quelques os, les rats l’avaient entièrement devoré !.
Ainsi finit la vie de Cyprien, le mendiant qui marqua de son empreinte de pauvre et de riche à la fois ma jeunesse.
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